Pourquoi l'expression "champion de mémorisation" est parfois un peu ridicule, du moins dans mon cas.
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Si vous vous amusez à googler l’expression “champion canadien de la mémoire”, c’est probablement mon nom et mon visage que vous allez voir apparaître le plus souvent. Je peux à la fois dire que cela m’honore, que cela m’amuse et que cela m’embarrasse un peu. Je vais continuer d’utiliser ce titre pour diverses raisons, notamment parce que c’est très pratique lorsque je souhaite convaincre les gens de cliquer sur mon site ou de se déplacer pour l’un mes ateliers. On ne peut pas dire que c’est un mensonge. J’ai bel et bien remporté, en 2016 puis de nouveau en 2017, une compétition qui porte le nom de Championnat canadien de la mémoire. Je suis bel et bien parvenu à correctement mémoriser, en compétition, 126 mots aléatoires en 15 minutes, 180 chiffres en 5 minutes et l’ordre d’un jeu de cartes complet en une minute et 6 secondes. Sauf que cela ne signifie pas du tout ce que les gens s’imaginent que cela signifie. C’est quelque chose que je vais (presque) toujours préciser en conversation, en entrevue ou en conférence. Ce petit article vise à dissiper toute confusion qui pourrait encore perdurer à ce sujet.
Si je m’assois, que je me concentre et que je prends le temps d’utiliser des techniques de mémorisation, dans des conditions propices je peux parvenir à mémoriser plus ou moins n’importe quoi. L’ensemble du processus peut parfois être très rapide. C’est une habileté qui est merveilleuse, mais à chaque fois cela demande de petites ou de grandes doses d’efforts et de concentration. C’est un peu comme être capable de courir très rapidement ou très longtemps, c’est pratique mais ce n’est pas nécessairement de cette façon que l’on souhaite se déplacer partout où l’on va en permanence. Quand je n’utilise pas de techniques de mémorisation, soit la grande majorité du temps, ma mémoire n’est probablement pas meilleure que la vôtre. La mémoire naturelle et ce que j’appelle la mémoire entrainée sont deux choses complètement différentes. Je rencontre constamment des gens qui ont, de toute évidence, de bien meilleures mémoires naturelles que la mienne.
Je suis convaincu que si les techniques de mémorisation étaient davantage connues et pratiquées, et si l’apprentissage en général était mieux compris, mes habiletés de soi-disant “champion de la mémoire” seraient perçues un peu de la même façon que l’on perçoit un joueur de hockey amateur ou un joueur de guitare de niveau intermédiaire. On peut respecter le fait que cette personne ait pris le temps de développer cette habileté, mais on ne considère pas cela comme étant quelque chose d’exceptionnel.
Si au lieu de mesurer uniquement la vitesse en compétition, on mesurait la quantité d’information mémorisée à long terme, on se rendrait compte qu’il existe des multitudes de véritables “champions de mémorisation” parmi tous les peuples qui vivent sans écriture et sans électronique et qui doivent mémoriser tout ce qu’ils souhaitent retenir.
Le niveau qui est nécessaire pour remporter les championnats nationaux de mémorisation en Chine, en Mongolie et ailleurs est à des années-lumière de celui qui m’a permis de finir premier au Canada durant ces deux années. Ici, les compétitions de mémorisations sont malheureusement encore très marginales. J’ai gagné contre une poignée de compétiteurs, pas contre l’ensemble du Canada! Notez aussi qu’en 2016, si mon ami Darren Michalczuk n’avait pas été un peu trop nerveux, c’est lui qui aurait terminé en première place. En 2017, je m’étais bien préparé et je pense bien que c’est moi méritait de gagner, mais les résultats ont été serrés et j’aurais très facilement pu inverser deux cartes et finir deuxième ou troisième.
C’est pour toutes ces raisons que je préfère me décrire comme étant un “soi-disant” champion de mémorisation. Ce n’est pas de la modestie, c’est juste de l’honnêteté!
Cela dit, quelques précisions s’imposent:
Ça ne signifie pas que je ne suis pas fier de ce que j’ai accompli. Et ça ne signifie pas non plus que je considère qu’il existe un “niveau” arbitraire en dessous duquel les performances d’une personne cessent d’être respectables. Je dis cela pour tous ceux et celles qui ont l’impression d’être “mauvais” quand ils se comparent à d’autres. Si quelqu’un à côté ou à l’autre bout de la planète est dix fois plus rapide que vous, c’est merveilleux et ça ne diminue en rien vos habiletés. Si vous avez commencé à vous pratiquer et que vous êtes récemment parvenu à, par exemple, mémoriser un jeu de cartes en 20 ou 10 minutes ou moins, c’est très loin des records du monde, mais ça reste génial et vous avez raison d’en être fier. Sans pratique et sans techniques de mémorisation, ces performances seraient impossibles à égaler pour moi et pour au moins 99% de la population.
Cela arrive que, comme moi en 2016, quelqu’un parvienne à devenir “champion national” en partie à cause d’une combinaison de conditions favorables. C’est ce qu’à mon avis on pourrait dire de tous les “USA Memory Champion” des dix premières années d’existence du championnat américain, de 1998 à 2008. Mais cela ne signifie pas que ce soit toujours le cas. Il arrive parfois que, même lorsque les participants ne sont pas très nombreux, le gagnant ou la gagnante d’une compétition soit réellement le meilleur ou la meilleure au pays. Je crois bien que ce soit le cas en ce moment de mon ami Braden Adams en Colombie-Britannique. En ce qui concerne ce qu’on appelle la “mémorisation sportive”, je pense qu’il est l’individu le plus doué que le Canada a connu jusqu’à présent. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’il ne perde son titre, mais les chances sont faibles que ce soit moi parvienne à le détrôner. Éventuellement je vais me remettre à l’entrainement de façon plus régulière et je vais recommencer à m’améliorer plus rapidement, mais sachant qu’il va lui aussi continuer de progresser, ça m’étonnerait que je parvienne un jour à le rattraper.
Ça ne signifie pas non plus que vous ne devriez pas prendre au sérieux ce que j’enseigne sur ce site. La “mémorisation sportive” n’est que l’une des dimensions de l’art de la mémoire. Bien performer en compétition est une chose, savoir de quelles façons on peut aider de jeunes élèves, des personnes âgées ou des étudiants en médecine en une autre. Je pourrais être dix fois meilleur que je le suis et être un très mauvais enseignant, ou vice-versa. Un titre, c’est bien. Des connaissances et des compétences, c’est mieux. Je suis loin d’être un génie, je n’ai pas de doctorat en neuroscience, mon titre de “champion” 2016 et 2017 ne devrait pas être pris trop au sérieux, mais j’ai fait mes devoirs et je pense bien savoir de quoi je parle ( :